Le Dien Chan,
rencontre avec le Pr Bùi Quôc Châu
Dien Chan signifie diagnostic du visage. Le nom complet est Diagnostic facial et thérapie cybernétique ou Fascythérapie.
le visage est considéré comme le lieu de l’information et du contrôle de tout le fonctionnement du corps. Chaque point réflexe est un émetteur-récepteur vers l’organe correspondant.
Le Dien Chan est une forme de réflexologie multidirectionnelle et multisystème qui est distincte de la réflexologie classique, qui est unidirectionnelle.
Quelle fût votre motivation de départ pour créer la méthode du Dien Chan ?
En 1980, je suis parti avec l’ambition d’aider les gens et surtout les gens pauvres.
Mais aussi, j’ai été motivé par un sentiment un peu nationaliste car les vietnamiens n’avaient jusqu’alors jamais vraiment rien inventé. Ils sont de très bons étudiants mais pas de grands inventeurs !
Après la guerre de libération du Vietnam, il y avait une très grande fierté nationale. Je me suis dis : “Je dois créer, c’est très important”. D’autre part, je souhaitais aider les gens à être moins dépendants des médecins et des médicaments, qu’ils deviennent leur propre thérapeute. Les médicaments sont nécessaires, mais pas dans tous les cas. Il y a beaucoup de cas où les gens peuvent se soigner seuls s’ils connaissent cette méthode. Ainsi les gens peuvent économiser et consacrer leur argent à d’autres choses, surtout au Vietnam et dans d’autres pays du tiers-monde où il n’y a pas de couverture sociale. Beaucoup de personnes n’ont même pas assez d’argent pour se faire soigner, aller à l’hôpital. Je souhaitais les libérer de ce joug médical, du moins en partie. Et maintenant, grâce au Diên Chan, mes étudiants peuvent se soigner eux-mêmes et aussi soigner les autres, et cela au-delà de mes propres espérances.
Au Vietnam, il y a plus de 300’000 personnes qui pratiquent cette méthode et près de quatre millions on été soignées uniquement par elle dans de nombreux centres de soins humanitaires. Dans le reste du monde, sur tous les continents, il y a maintenant beaucoup de thérapeutes qui pratiquent le Diên Chan. Des pays comme le Mexique ou Cuba l’ont officiellement adopté dans leurs réseaux de santé familiale depuis une quinzaine d’années.
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Mon inspiration première est la culture et la philosophie populaire du Vietnam dans laquelle j’ai baigné. Sa civilisation millénaire est riche d’un folklore, d’un langage (chansons populaires, dictons, histoires comiques…) et d’une médecine populaire qui véhiculent des trésors de bon sens. Il s’agit de la “matière grise” du peuple que nos ancêtres nous ont léguée de génération en génération.
Depuis mon enfance, j’ai pu observer quantité de manières d’agir dans le cadre de cette médecine du peuple : coller deux tranches de gingembre sur les tempes pour guérir les maux de tête, coller la pointe d’une feuille de bétel entre les sourcils d’un enfant pour arrêter une crise de hoquet, faire un massage thérapeutique avec une cuillère ou une pièce de monnaie sur la partie dorsale du corps pour un rhume, etc.
Il y a aussi de nombreux dictons comme : “Par le visage on connaît l’aspect intérieur de quelqu’un”. Par ailleurs, la théorie du point non douloureux que j’ai utilisée pour déterminer les points sur le visage d’une manière précise, m’a été inspirée par la devise du Yi King : “dans le Yang il y a du Yin, dans le Yin il y a du Yang”.
À partir de ceci, j’ai établi la règle : “dans le point douloureux il y a un point non douloureux”. J’ai aussi remarqué que dans la langue vietnamienne, il y a des phénomènes comme l’association d’organes ou d’éléments totalement différents entre eux qui amènent à de nouvelles notions, à de nouveaux mots chaque fois que ces organes ou ces choses ont une correspondance entres eux. Par exemple, on dit cô tay (cou main) pour nommer le poignet ou cô chân (cou pied) pour la cheville. De même, dans la médecine populaire, on utilise beaucoup la notion de formes similaires comme le coeur de porc cuit au bain marie avec du cinabre pour régulariser les palpitations cardiaques.
Le principe de correspondance par la forme m’a inspiré la première hypothèse pour la construction des diagrammes réflexes du Dien Chan, à savoir que l’arête du nez devrait correspondre à la colonne vertébrale. De cette hypothèse que j’ai pu confirmer par l’expérimentation, j’ai développé le diagramme Yang (visage d’un homme); au milieu se trouve le nez, qui correspond à la colonne vertébrale ; les sourcils correspondent aux bras ; la région labiale aux jambes ; le menton aux pieds.
C’est ainsi que j’ai découvert le point numéro 1, situé au sommet inférieur du nez.
Par la suite, j’ai localisé bien d’autres points sur le visage et le corps.
Les résultats concluants sur mes patients m’ont confirmé la justesse de mes observations concernant la théorie des similitudes et correspondances et j’ai pu alors développer d’autres principes comme ceux de la symétrie, de l’interconnexion, des informations croisées, etc.
Afin d’élaborer ma méthodologie, pour nourrir et corroborer mes propres hypothèses, j’ai utilisé aussi la médecine chinoise, la médecine occidentale, la physionomie, la philosophie, la littérature, le Yi king, le bouddhisme, les travaux de Nogier, etc.
Le Dien Chan est une synthèse entre l’acupression, l’acupuncture, le massage, la réflexologie. À la base, j’ai une vision créatrice et je vérifie ensuite le bien-fondé de mes observations et théories.
Pour mes outils, c’est la même chose, j’invente et je vérifie. Ce qui fait que j’ai aussi abandonné beaucoup, beaucoup d’hypothèses… Par exemple, j’ai laissé tomber rapidement les aiguilles car elles limitaient d’emblée la divulgation de la méthode, tout le monde n’étant pas capable de s’en servir.
En quoi consiste cette méthode ?
Le Dien Chan est un ensemble de techniques où l’on peut traiter par accupression, par massage sur le visage et le corps entier. C’est avant tout un outil thérapeutique qui permet de traiter très rapidement et efficacement les douleurs, tous les maux simples que l’on peut se diagnostiquer soi-même. Il intervient dans la médecine familiale, dans les premiers soins, pour détendre.
Le Diên Chan est-il efficace contre les maladies chroniques ?
Les maladies chroniques sont plus difficiles à traiter, le traitement est plus long, mais si le diagnostic est bon et que l’on connaît la cause, on arrivera aussi à traiter efficacement. Un traitement long dure un mois et demi et un traitement court dure cinq minutes.
Personnellement, je suis arrivé à soigner des calculs rénaux d’une taille de 7 mm, des calculs dans la vésicule biliaire ou quelques cas d’acouphène, mais là c’est très difficile. Les points ont un comportement comme s’il s’agissait de substances médicamenteuses. Quand on connaît très bien leurs effets, on peut vraiment les utiliser comme des médicaments. On combine les points pour soigner une maladie dont la cause est plus lointaine et profonde.
Cette technique qui est très efficace et très complète en elle-même, l’est encore plus si le thérapeute dispose d’un large spectre de connaissances, s’il a des connaissances en médecine chinoise, en médecine occidentale ou d’autres encore dont il peut se servir pour mieux diagnostiquer. Par exemple, il saura qu’un méridien de la rate passe aussi par le genoux et il pourra soulager une douleur de genoux qui n’a rien à voir avec un problème mécanique.
Moi-même, j’utilise les théories de la médecine occidentale et de la médecine chinoise.
Quel est l’intérêt de travailler plus particulièrement sur le visage plutôt que sur le pied ?
Travailler sur le visage est plus efficient car nous sommes tout proche du cerveau, le voyage de l’information est donc très court et rapide. Les points sur le visage sont aussi plus sensibles qu’ailleurs. J’ai vérifié la correspondance de chaque point avec les organes.
Combien y a-t-il de points réflexes sur le visage ?
500, 600… Mais ce n’est plus très important… comme je sais les découvrir, je peux en trouver des milliers.
Que pensez-vous des piercing dans votre perception énergétique ?
Dans le diagramme d’auriculothérapie du Dr Nogier, le point que l’on perce pour fixer les boucles d’oreille correspond aux yeux. Au Vietnam, les femmes mettent aussi des boucles d’oreille et elles ne deviennent pas aveugles…
Mais je peux tout de même dire que cela n’a pas une très bonne influence et peut créer des perturbations avec des pertes d’énergie.
Y a-t-il un rapport avec les méridiens ?
Je ne me base pas sur les méridiens d’acupuncture. Par exemple, il y a des points dans la médecine chinoise qui servent à arrêter le nez qui coule, mais je m’en sers autrement, notamment pour l’estomac et les cuisses, parce qu’ils correspondent à ces organes sur mon diagramme. Et ça marche, mais aussi pour le nez…
Dans ma démarche je prends surtout en compte le Yin Yang et les 5 éléments.
Qu’entendez-vous par multi-réflexologie ?
C’est une méthode qui est multi-réflexologique dans le sens où elle utilise même le reflet d’un reflet sur le reflet. C’est comme si nous étions dans une chambre dont les murs sont tapissés de miroirs. Et si on se regarde dans un miroir, les reflets se multiplient les uns dans les autres.
Alors que dans la réflexologie traditionnelle, nous n’avons qu’un seul miroir, dans le Dien Chan, on combine ensuite les points entre eux et on peut obtenir dans un sens mathématique une infinité de formules. Avec cette technique, on est dans le domaine du fractal, de l’hologramme, de l’holistique. En fait, la pratique du Dien Chan incite à casser le moule rigide et linéaire du mental et à mettre la caméra dans tous les sens.
Lors du traitement, comment le thérapeute ressent les points et qu’il est sûr de travailler au bon endroit ?
C’est important qu’il y ait une très bonne communication avec le patient. Le patient est roi, il faut l’observer, l’écouter, guetter une réaction, une grimace, un mot. Il peut aussi dire si tel ou tel outil lui convient. Le thérapeute n’impose pas, il cherche le bon chemin. Plus on a de connaissances et que l’on maîtrise la technique, mieux on peut détecter les points.
Pour des maux d’estomac, il suffit de regarder sur le diagramme les points qui correspondent et de les activer. Quand ce que l’on fait ne marche pas, on élimine le chemin qu’on a choisi et on en cherche un autre plus adapté. Et c’est le patient qui peut renseigner le praticien car les effets positifs sont immédiats.
Les différents principes que comporte le Dien Chan sont des pense-bête pour aider le thérapeute afin qu’il ne reste pas bloqué durant sa recherche du bon traitement.
Il y a de très nombreuses possibilités d’applications.
Psychologiquement, les gens apprécient beaucoup cette technique car ils se sentent au centre de l’attention. De plus, en les traitant, on leur enseigne les points pour qu’ils puissent refaire le traitement tout seul chez eux. Mon grand objectif est qu’ils deviennent leur propre thérapeute. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup de patients qui sont devenus thérapeutes…
C’est très important que les gens soient à l’écoute de leur corps, qu’ils s’intéressent à d’autres thérapies, ils n’en seront que plus libres. On constate que les gens aiment se traiter mais c’est très difficile d’aller étudier la médecine chinoise qui demande énormément de connaissances.
Comme le Dien Chan est assez simple et à la portée de tout le monde, chacun peut oser traiter dans un large éventail de pathologies courantes. Ce n’est pas dangereux, il n’y a pas d’aiguilles, pas d’effets secondaires. Je tiens aussi à dire que la pratique du Dien Chan permet de créer des mises en lien, d’avoir des contacts avec des personnes.
Si vous rencontrez quelqu’un qui connaît cette méthode, vous deviendrez amis facilement car vous avez quelque chose en commun. Cette approche qui incite à aller vers les autres pour partager a beaucoup d’humanité dans une société qui devient de plus en plus individualiste.
J’ai l’espoir qu’elle aide le plus de monde possible. Mon but principal est d’aider l’être humain, c’est pourquoi je consacre beaucoup d’énergie à la divulgation de cette méthode.
J’aimerai aussi préciser qu’il faut faire attention à ceux qui ont simplifié la méthode originale pour la divulguer à des fins strictement commerciales.
Le Dien Chan original est infiniment plus riche et en constante évolution.
Ceci dit, après avoir traité le président du Laos, il m’avait invité en 1992 pour me dire combien il estimait que le Dien Chan pouvait être vraiment révolutionnaire, qu’il avait le potentiel pour changer la face de la médecine. À l’époque, je n’étais pas très convaincu, mais maintenant je le réalise aussi.
Propos recueillis par Laurent Montbuleau.
Avec l’aimable autorisation de la revue Recto-Verseau